PARU LE 21 FÉVRIER 2019
Tout commence dans l’atelier du potier avec qui l’auteur apprend à travailler l’argile sur son tour : ce qui naît entre les mains de
l’artisan est le fruit d’un lent savoir, d’une science de la matière, d’une sagesse qui sait d’instinct que tout ce qui vit et meurt est porté par le mouvement de la Terre. Cette méditation rejoint
le thème éternel de la vie comme voyage, migration perpétuelle. Voici l’auteur lancée sur des chemins nouveaux pour elle : vers l’Espagne d’abord où, à Tolède, s’éveille en elle le souvenir du poète
mystique par excellence, Jean de La Croix, mais aussi du Greco, peintre du mystère absolu venu de Crète en Espagne, et des Juifs qui bâtirent la synagogue du Transit. Ce qui l’a conduite sur ces
routes, c’est le désir de retrouver une source enfouie. Un mot lui sert de talisman, emprunté au provençal de Mistral : neissoun, l’endroit où naît une source. La terre ne vit que par les rivières,
les fleuves, qui sont eux-mêmes des êtres vivants. Pour combien de temps ?
La quête ne peut s’arrêter là. A l’autre extrémité du globe, en Nouvelle-Zélande, un phénomène extraordinaire vient de se produire, signe d’espoir pour tous ceux qu’inquiète l’avenir de l’humanité :
les Maoris ont obtenu la reconnaissance du fleuve Whanganui comme personne juridique, membre à part entière de leur communauté, et par conséquent le droit pour lui à la protection de son intégrité
morale et physique. Mireille Gansel est allée plusieurs semaines voir par elle-même et surtout écouter ce fleuve. Il lui a parlé, et c’est cette « voix du fleuve » qui donne son titre au livre. Elle
enseigne que toutes les routes, à leur façon, et toutes les vies humaines, sont des fleuves, des chemins d’éternité.
Que la littérature ait quelque chose à dire sur les questions écologiques, voici un livre éminemment à même de le prouver. Mireille Gansel, à sa façon modeste et sans grandes phrases, y pose les
prémisses d’un nouvel humanisme.
La Voix du Fleuve est le quatrième livre de Mireille Gansel publié par les éditions de La Coopérative.
...j’ai aimé être surpris par la succession toute syncopée de ces pages, aux phrases sans ponctuation pour faciliter le glissement des mots, la montée du chant, rompues de silences inattendus où le sens est mis en résonance et vient parfois comme en résilience d’anciennes douleurs ou en alerte pour de nouvelles craintes. Son amoureuse observation de ce qui EST – vrai cosmisme – nous guérit de nos désespérants fantômes. Mireille Gansel dans une tonalité sans doute plus inquiète que dans Maison d’âme mais pas moins intense, ni moins lucidement responsable, nous offre avec La voix du fleuve une belle leçon d’attention admirative au monde et d’exemplaire probité.
PATRICK CORNEAU, 8 février 2020.
Mireille Gansel est allée sur place voir ce que le fleuve Whanganui aviat à dire et à montrer. Il lui a parlé et a fait naître en elle l'envie de se laisser dériver le long d'autres fleuves et des sources qui les engendrent. Y compris la source d'argile qui offre au potier l'art de ce lent et régulier pétrissage de la matière qui coule et se déroule comme l'eau dans les méandres de son cheminement. Nous voici successivement en Espagne, en Hongrie, en Provence, à Paris, et, bien sûr, le long du Whanganui, à la recherche toujours d'un émerveillement, d'un chemin de vie qui rappelle les transhumances pastorales sur lesquelles l'auteure avait naguère également porté sa sensible observation. En lisant ce livre, on passe de douces heures sur les traces de pas que Mireille Gansel a creusées dans la terre, le long des berges de ces fleuves infinis.
DANIEL HALPÉRIN, La Lettre de l'Association suisse des amis du docteur Janusz Korczak, vol. XL, n°94 (novembre 2020), p. 3.