HIER
(1891)
première traduction française
« Une étude dramatique » : c’est sous cette mention que paraît en deux fois, dans les numéros d’octobre et novembre 1891 de la principale revue littéraire viennoise, la Moderne Rundschau, une pièce en vers intitulée Hier (Gestern), signée d’un inconnu, Theophil Morren. La curiosité des milieux littéraires aurtichiens et allemands est aussitôt éveillée par la maturité de ce texte au ton nouveau, que les éditions de la revue reprennent aussitôt sous la forme d’un petit volume, épuisé en quelques jours. Qui est Theophil Morren ? Des articles dans les journaux vont révéler au public que sous ce pseudonyme se cache un lycéen de dix-sept ans, que quelques autres textes publiés sous le pseudonyme de Loris vont bientôt achever de rendre célèbre : Hugo von Hofmannsthal. Cette pièce destinée à la lecture prend modèle sur les « Proverbes » de Musset : le personnage principal est amené en quelques scènes à reconnaître une vérité qu’il voulait ignorer.
À Imola, près de Bologne, dans la deuxième moitié du XVe siècle, un jeune seigneur fortuné, Andrea, met en pratique un art de vivre fait d’esthétisme, de culte du moi et de pure jouissance de l’instant présent, sans considération du passé ni de l’avenir. Mais les événements de cette journée vont bouleverser sa vision du monde, en particulier quand il apprend que sa bien-aimée, Arlette, l’a trompé la veille avec son meilleur ami. Andrea découvre alors le mystère douloureux du Temps qu’il s’était efforcé de nier, et avec lui l’impossibilité de nier la souffrance inscrite au plus profond du Moi.
C’est ici la première traduction française de ce texte que, jusqu’à la fin de sa vie, Hofmannsthal a considéré comme une des clés de toute son œuvre. On y voit déjà se dessiner en effet le thème central qui sera celui du célèbre Chevalier à la rose, le livret d’opéra écrit pour Richard Strauss (créé en 1911). Rappelons que, si Hofmannsthal a été dans sa maturité l’un des intellectuels les plus en vue de son temps et l’un des pères de l’idée européenne, son œuvre poétique a été tout entière écrite entre 16 et 26 ans et que c’est à elle qu’il doit sa place d’auteur majeur de la langue allemande. Ce premier chef-d’œuvre n’est donc nullement un texte secondaire ou simplement prometteur mais une des œuvres les plus étudiées de l’auteur dans les pays de langue allemande.
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